Nouvellement élue au sein du Conseil Général de Côte d’Or, je suis consternée par le fonctionnement de cette assemblée lors de la dernière session. Si certains suivent les sessions sur internet, ils doivent eux aussi être atterrés par cette mascarade, cette façon de faire de la politique où tout est le fait du Prince. Parfois, sa Cour s’exprime pour mieux flatter les mérites de Celui qui Détient la Parole du haut de son perchoir et qui n’hésite pas à la couper à celui qui parle, balayant d’un revers de mauvaise foi les arguments constructifs qu’on ose lui opposer.
Les Forces de Progrès, groupe des conseillers généraux de gauche auquel j’appartiens, cherchent à faire des propositions : elles sont systématiquement rejetées car elles ont pour seul défaut de ne pas venir du bon côté du Rubicon. Le travail fait en amont en commissions n’est absolument pas pris en compte : les chiffres, les rapports demandés, ne nous sont pas fournis et quand parfois, poliment on nous dit que la proposition pourrait être étudiée, rien de ces bonnes paroles ne ressort dans le rapport final. C’est la seule parole du Prince qui est doctement martelée par les présidents de commissions et le Prince peut faire semblant de s’émouvoir que le groupe d’opposition n’a rien à proposer puisque les caméras ne sont là que le jour des sessions.
C’est finalement une mascarade indigne d’élus de la République qui se joue et on retrouve l’éternel partage des eaux au moment du vote. Comme à Roland Garros, on peut pencher la tête un coup à gauche, un coup à droite. On propose de remettre en question un dispositif parce qu’il paraît peu efficient et on nous répond « Ville de Dijon », « Région » ou « Etat »…les trois bêtes noires des Droites départementales. Quelques exemples : on demande à ce qu’un représentant des chefs d’établissement et un agent territorial puissent siéger dans le jury qui sélectionne les projets Agenda 21….
Refus catégorique et amusé : les chefs d’établissement et les agents n’ont rien à y faire ! On demande des chiffres concernant le coût supplémentaire que représenterait le transport des élèves sur cinq jours, on nous répond que ce sera trop cher ! On demande des diagnostics, des bilans, des évaluations à celui qui se présentait comme le chantre de l’ « évaluation permanente », on nous répond que tout le monde est content….. « Et bien moi, sur mon canton, les parents, les élèves, les profs, tout le monde est content ». Effectivement ma bonne dame, l’argument est convaincant ! Voilà le niveau de débat au Conseil Général de la Côte d’Or. Alors on me reprochera de me draper dans les valeurs de la République, on me dira que je n’ai pas le monopole de la vertu républicaine … Oui, je découvre le fonctionnement de cette assemblée, je n’en connais pas tous les ressorts et je suis prête à travailler.
Mais je n’ai aucune leçon à recevoir de ceux qui pratiquent la politique depuis si longtemps qu’ils ont oublié que leur mission était d’être au service de l’intérêt général. Qui ont oublié que présider une assemblée n’équivalait pas à dominer avec suffisance ceux qui ne pensent pas de la même manière. Qui ont oublié que la politique n’était pas leur terrain de jeu et qu’il y avait d’autres lieux pour régler le bilan de leurs défaites personnelles mais qu’en la matière le CG n’était pas compétent.
Le rôle d’un président de séance serait plutôt de faire en sorte que la parole soit écoutée et qu’elle puisse convaincre au-delà des clivages politiques quand elle va dans le sens de l’efficacité. Lors de cette session sur l’éducation la majorité de droite a donc voté contre notre vœu relatif à l’attribution d’une dotation culture à chaque établissement alors que cette mesure ne serait pas plus onéreuse et toucherait un bien plus grand nombre d’élèves.
Voté contre des financements dignes de ce nom aux associations qui œuvrent contre le décrochage scolaire.
Voté contre les tarifs proportionnés aux revenus des familles pour la restauration scolaire plutôt qu’un ticket au même prix pour tout le monde.
Voté contre le maintien de la gratuité du transport scolaire faisant croire que le changement de rythme de 4 à 5 jours allait obliger le Conseil général à faire payer les familles ( alors que déjà tous les élèves du second degré ont cours sur 5 jours!) et prévoyant déjà des frais de dossier d’inscription.
Voté contre l’amélioration des conditions de travail et de reconnaissance des agents territoriaux en instaurant une équipe volante de remplaçants, en les dotant d’outils informatiques propres, en mettant en place une vraie médecine préventive.
Bref, la majorité a voté contre toutes les propositions des Forces de Progrès rejetant par là même toute possibilité de compromis sur le rapport qui nous était soumis. Il nous semblait que les enjeux de l’Éducation en Côte d’Or méritaient mieux que cela. Le rapport voté par la seule majorité est donc plein de leurres et de renoncements.
Quant à l’argent public dépensé dans ces dispositifs, le rideau du spectacle s’est pudiquement refermé sur lui…
Céline MAGLICA, conseillère générale de la Côte-d’Or (canton de Dijon 5).